
Série :
Lucille
Numéro : 1
Editeur :
Futuropolis
Collection
:
Date de publication : janvier 2006
ISBN : 2-75480-051-4
Prix : 29,00 €
Noir et blanc
DEBEURME Ludovic, Scénariste/Illustrateur |
Page après page, Ludovic Debeurme nous invite à suivre au quotidien
Lucille et Arthur, deux adolescents pour qui la vie n'est ni
facile, ni douce. C'est avec justesse, émotion et pudeur qu'il va
faire de nous des témoins, jamais des voyeurs, de ces deux vies
chahutées.
(Source éditeur).
"Les parents
ont des enfants et les enfants des destins".
Disait Jean-Paul Sartre, les adolescents de Ludovic Debeurme sont
les victimes de ce fatum. Lucille, héroïne éponyme, qui souffre
d'anorexie, preuve physique s'il en est qu'elle n'a pas trouvé son
corps (sa place) dans la vie de sa mère, cette mère qui nie toute
féminité en elle, ce modèle qui est une douleur, tout
particulièrement pour une adolescente lors de ses premiers émois.
Les premiers regards de concupiscence de ses camarades qu'elle
interprète, selon son humeur du moment, c'est à la fois de l'envie,
de la méfiance, du désir, mais vis-à-vis d'elle-même c'est toujours
une dépossession de son corps, d'un corps qui est lui étranger,
d'un corps qui s'installe à sa place...
L'adolescence, je me souviens d'un cours d'Education Famille et
Social (E.F.S) - je ne sais pas si aujourd'hui encore on dispense
encore ces cours... - où Mlle Bellegarde, nous avait donné un
questionnaire : quelles sont les modifications qui se produisent à
l'adolescence ? La feuille était divisée en deux, une colonne pour
les filles, et une autre pour les garçons. L'un de nous demanda,
car on était une classe exclusivement de garçons, si on devait
répondre pour les filles. Autant pour nous il suffisait de nous
ausculter, nous avions l'âge du questionnaire, autant pour les
filles nous n'étions pas sûrs.
C'est ainsi qu'on apprit qu'à l'adolescence, les jeunes femmes se
découvraient des hanches, ce fut une révélation, tant nous étions
heureux d'apercevoir les seins, les fesses, mais on avait omis
cette forme, si caractéristique s'il en est de la féminité.
Cette digression pour vous dire que l'adolescence bien plus qu'un
état psychologique, est avant tout l'appropriation d'un corps...
Cet apprentissage est fort pertinemment exprimé par Lucille, mais
aussi par ce qui l'accompagne généralement... les scories de
l'existence.
L'adolescence tout un chacun le sait, c'est aussi ce moment où on
quitte définitivement l'enfance pour devenir à notre tour parent,
transition qui se passe non sans mal, qui produit tant de troubles
car on se réfère à ce que l'on connaît. Si les enfants sont
l'avenir, les parents sont le passé, et Lucille est la fille de sa
mère. Comme Arthur, l'autre adolescent de cette histoire qui se
déroule au Tréport, rencontrera Lucille, fuira avec elle en
Toscane, mais surtout échappera à son destin, lui l'aîné de son
père, lui qui doit devenir à son tour marin, pour pérenniser la
longue généalogie de Marins piliers de bars suicidaires qui portent
tous à la mort de leurs pères, le prénom de celui-ci :
Vladimir.
Pourtant en allant en Italie, ils emportent dans leurs bagages...
leurs histoires.
Après Mes ailes d'homme, Ludovic Debeurme montre
un grand sens de la composition, de la forme. Le dessin correspond
à ses histoires, donc celui de Lucille est très différent de
Mes ailes d'homme. Le trait de Ludovic Debeurme dans
Lucille s'est épuré, ce sont des esquisses, quelques
traits, qui laissent davantage deviner un personnage, plus qu'ils
ne donnent à le voir. C'est ce qui donne à cette oeuvre, cette
faille...