
Editeur :
Futuropolis
Collection
:
Date de publication : février 2007
ISBN : 2-7548-0078-6
Prix : 19,00 €
Couleur
BOURGERON Frank, Scénariste/Illustrateur |
En 1876 Loti, jeune officier de la marine britannique, accoste à
Salonique. En flânant dans la ville, il fait la rencontre d'une
belle odalisque, énième épouse retranchée dans le harem d'un vieux
dignitaire absent. Elle et lui partagent un certain désœuvrement,
la jeunesse et une beauté arrogantes, et bientôt une passion
ardente, aiguisée encore par son impossibilité théorique. Mais
l'Amour en a vu d'autres, et il n'est guère d'obstacles qu'il ne
saurait déjouer ! Au-delà de cette femme, c'est de la Turquie tout
entière dont Loti va s'éprendre : de ses coutumes, de sa langue, de
ses habitants. Jusqu'à vouloir épouser la nationalité turque.
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Après la saga
Extrême-Orient aux éditions Vents d'Ouest, sur le
thème peu exploité en bande dessinée de la révolution
culturelle chinoise, Franck Bourgeron change d'horizon. La
transposition graphique du roman de Pierre Loti Aziyadé, lui
permet d'explorer un certain Moyen-Orient, au crépuscule de
l'Empire Ottoman. Si le roman est écrit à la manière d'un
carnet intime, la bande dessinée, fidèle à l'écriture de Loti,
n'est pas sans évoquer le carnet de voyage. Les planches
contemplatives n'y sont pas rares. On retrouve notamment de
ces compositions verticales qui faisaient le charme et
l'originalité d'
Extrême-Orient.
En tout juste trois livres, Franck Bourgeron a posé un style bien à
lui dans la « nouvelle bande dessinée » : visages stylisés aux
fronts allongés, utilisation de cases verticales, audace dans les
cadrages (avant de se mettre à la bande dessinée, le dessinateur a
travaillé pendant une quinzaine d'années dans l'animation, d'où,
sans doute, cette culture particulière de la caméra et de la mise
en scène), et une fougue tranquille dans la manière très propre de
poser des hachures dans les dessins. Le trait est souple, dynamique
et spontané, sans sacrifier l'esthétique du dessin.
Autre particularité dans le travail de Bourgeron, la
non-représentation du regard. Dans
Extrême-Orient, les
yeux étaient de simples fentes sans iris, pour mieux souligner
l'absence d'individualité ou d'affirmation personnelle. Dans
Aziyadé, outre Loti, souvent affublé de lunettes opaques,
la plupart des protagonistes ont les yeux mi-clos ou fermés.
L'impression induite est assez variée : langueur, sensualité,
désir, abattement ou sérénité, selon les cas(es).
On pourrait être tenté de rapprocher ce roman de
Roméo et
Juliette, archétype de l'histoire d'amour fatal. Mais alors
que les personnages de Shakespeare débordent de lyrisme, fascinés
qu'ils sont par la découverte de l'amour (ce sont des adolescents,
tout est nouveau pour eux !), dans
Aziyadé, les amants
restent relativement circonspects. Aziyadé, épouse délaissé mais
fautive, est discrète par nécessité, peut-être aussi parce qu'elle
ne se fait guère d'illusion sur la nature éphémère de l'amour.
Loti, pour sa part, prend la relation avec une certaine
désinvolture. Il compare sa nouvelle conquête avec les précédentes,
il continue de voir d'autres maîtresses... Ses sentiments vont se
renforcer progressivement, mais toujours avec un temps de retard.
C'est là toute la beauté de ce roman.
Aziyadé est le récit
d'un amour qui n'est pas immédiat, l'exact contraire d'un coup de
foudre. Transposer graphiquement une telle oeuvre sans la trahir,
demandait de la subtilité et de la retenue.